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septembre 26, 2016

Économie - Fiscalité - Mensonge d'État

Ce site n'est plus sur FB, alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes, comme sur vos propres murs respectifs. D'avance merci. L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses. 

Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 




Sommaire:

A) L'économie mondiale 2017 - CEPII -  http://www.cepii.fr/

B) L’injustice fiscale Ou l’abus de bien commun - Nicolas Lecaussin - IREF

C) L'Élysée brise l'embargo de l'Insee et fait de la désinformation économique - 





A) L'économie mondiale 2017
 
Introduction
l’été 2016, l’économie mondiale hésite encore entre stagnation et transition vers un nouveau modèle toujours difficile à cerner. La montée des tensions qui en résulte est analysée par Sébastien Jean dans le chapitre i. Tensions dans le domaine politique avec la montée des populismes, tensions aussi dans la construction européenne avec la crise des réfugiés et le Brexit, tensions économiques et financières avec les doutes suscités par les politiques monétaires ultra-accommodantes qui n’ont pas réussi à raviver la croissance, mais pourraient avoir nourri des bulles de prix d’actifs et des prises de risque excessives. Tensions, en n, dans la gouvernance mondiale avec les difficultés d’adaptation à un monde multipolaire qui réclame de revoir les schémas qui prévalaient jusque-là. 

La brève histoire des mondialisations, que nous relatent Michel Fouquin, Jules Hugot et Sébastien Jean dans le chapitre ii, fait ressortir un risque de fragmentation du système commercial mondial. La stagnation des interdépendances commerciales depuis l’éclatement de la crise financière avive, de manière paradoxale, les controverses autour de la mondialisation : les gains liés à l’intensification du commerce s’épuisant, les conflits de répartition et de légitimité qui y sont associés prennent le dessus. À l’inverse, dans le domaine financier, l’analyse de Michel

Aglietta et Virginie Coudert, présentée dans le chapitre iii, nous enseigne que c’est l’intensification des interdépendances qui pose problème : à la politique monétaire américaine qui doit désormais composer avec les évolutions qui se produisent dans le reste du monde et, plus largement, au système monétaire international qui, confronté à un multilatéralisme rampant, souffre d’un défaut de coordination. Or, que ce soit dans le domaine commercial ou dans le domaine financier, ce défaut pourrait conduire à un retour des souverainetés nationales aux dépens des mondialisations. 

La coordination n’a toutefois pas été inexistante au niveau financier. Depuis la crise de 2008, des efforts importants ont été déployés par plusieurs instances internationales pour tenter de réformer le secteur bancaire. C’est à une analyse de ces réformes que nous convie Jézabel Couppey-Soubeyran dans le chapitre iv. Le message qu’elle livre n’est cependant guère encourageant. Le secteur bancaire et financier demeure vulnérable. Certes, des mesures ont été prises, mais les efforts soutenus des banques pour tenter d’en limiter le contenu et la portée entretiennent une défiance citoyenne qui pourrait déboucher sur des revendications bien plus radicales que les réformes engagées jusque-là. 

Étienne Espagne, dans le chapitre v consacré à la COP21, apporte une note d’optimisme à cet ouvrage : si, comme le prévoit l’Accord de Paris signé en décembre 2015, la finance était mise au service du changement climatique, c’est à un jeu gagnant-gagnant que l’on aboutirait. Pour y parvenir, il faudra toutefois réussir à saisir les opportunités que la gestion du risque climatique présente pour les secteurs de la finance et de l’assurance tout en cernant la dimension systémique du risque climatique. Cela nécessitera de trouver le meilleur arbitrage possible entre gestion privée et gestion collective de ce risque. Dans le chapitre vi, qui présente un état des lieux des migrations internationales et de leurs conséquences économiques, Anthony Edo nous ramène dans le champ des tensions qui traversent la construction européenne : la gestion de la crise des réfugiés est venue rappeler l’incapacité de l’Union à se coordonner. Le chapitre vii met quant à lui l’accent sur les tensions internes qui affectent le Brésil. Pour Cristina Terra, les politiques économiques inappropriées du gouvernement de Dilma Roussef sont à l’origine de la crise brésilienne. Les compléments statistiques présentés en n d’ouvrage ont été rassemblés par Alix de Saint Vaulry.

Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran* * Isabelle Bensidoun, économiste au CEPII, et Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et conseillère éditoriale au CEPII, ont assuré la conception et la coordination de cet ouvrage.

Vue d’ensemble : la montée des tensions
En dépit d’une légère accélération par rapport à l’année précédente, la croissance mondiale reste décevante à l’été 2016. Bientôt dix ans après le début de la crise économique et financière mondiale, un retour aux tendances antérieures semble de plus en plus improbable. La médiocrité de la croissance ne doit pas être acceptée comme une nouvelle norme, avait mis en garde le Fonds monétaire international (FMI) au printemps 2015. Pour autant, il reste difficile de déterminer quelles pourraient être les nouvelles références d’une économie mondiale traversée par des tensions croissantes et multiformes. Non seulement la croissance n’a plus retrouvé son niveau d’avant crise dans beaucoup de pays, mais les déséquilibres massifs accumulés dans les années 2000 ne se sont guère résorbés, quand ils ne se sont pas accrus. Sur les marchés du pétrole et des matières premières, l’abondance de l’offre s’est combinée avec l’atonie de la demande pour entraîner une importante chute des cours, déstabilisante pour beaucoup de pays producteurs et moins profitable qu’attendue pour les pays consommateurs. Dans un contexte de faiblesse persistante de l’inflation, les autorités monétaires de plusieurs économies avancées ont réagi en abaissant certains taux d’intérêt directeurs au-dessous de zéro, suscitant de nombreuses interrogations sur les causes profondes du mal, sur l’efficacité de ce remède et sur ses possibles effets secondaires. Le niveau et la tendance de l’endettement laissent craindre pour la stabilité financière. Enfin, les tensions géopolitiques s’exacerbent dans différentes zones. Le vote britannique en faveur du Brexit n’a fait qu’ajouter à ce climat d’incertitude, illustrant la nervosité des marchés et posant des questions profondes sur l’évolution du projet européen.  [...] 

Sébastien Jean est Directeur du CEPII.


Une brève histoire des mondialisations commerciales
Le terme « mondialisation » est couramment utilisé pour caractériser l’interdépendance croissante des économies. Si certains ont pu y voir l’avènement d’un « monde sans frontières », l’intensification des relations économiques internationales évolue en réalité selon des modalités complexes et une tendance qui n’est ni linéaire ni irrévocable. En dépit du caractère spectaculaire des évolutions récentes, le phénomène n’est d’ailleurs pas sans précédent puisque le XIXe siècle a lui aussi connu une période de mondialisation. Pour beaucoup de pays, le niveau d’intégration commerciale de la fin du XIXe siècle n’a été dépassé que très récemment. Entre-temps, en effet, les relations économiques internationales s’étaient massivement détériorées pendant l’entre-deux-guerres.
 
L’interdépendance économique internationale est le résultat de l’intensification du commerce de biens, mais aussi des flux financiers, migratoires ou informationnels. Ce chapitre se concentre sur la dimension commerciale. Il brosse le tableau de ces différentes périodes, avant de s’interroger sur leurs similitudes et spécificités, et sur les enseignements qu’il est possible d’en tirer. [...]

Michel Fouquin - Jules Hugot - Sébastien Jean


Interrogations sur le système dollar
Après le cataclysme de 2008, la globalisation financière a décollé des évolutions économiques réelles : alors que le PIB mondial et le volume du commerce international ont sensiblement ralenti, les flux de capitaux internationaux ont été gonflés par la surabondance de liquidités mises à disposition du système financier globalisé. Cette discordance n’est pas sans conséquences. Le recyclage des liquidités en dollars a provoqué une montée de l’endettement au niveau mondial, tandis que le ralentissement de la croissance s’est traduit par des surcapacités de production qui ont détérioré les bilans dans les pays émergents. Les reflux de capitaux des pays émergents vers les pays avancés ont provoqué des dynamiques déséquilibrantes sur les marchés des actions et des devises.
 
L’intensification des interdépendances financières crée un dilemme pour la politique monétaire américaine, fondée jusqu’alors sur l’indépendance de ses objectifs vis-à-vis des évolutions dans le reste du monde. Cette situation nouvelle pose le problème de l’absence de coordination au sein du système monétaire international.
 
C’est aux répercussions des excès de la globalisation financière sur le système monétaire international et aux dilemmes qu’elles posent aux banques centrales que ce chapitre est consacré. [...]

 Michel Aglietta - Virginie Coudert

 
Les réformes bancaires ont-elles été poussées trop loin ?
« Le secteur financier a exercé un lobbying intense pour préserver sa structure et faire barrage aux changements nécessaires. » « Les grandes banques sont l’équivalent de réacteurs nucléaires. » Ces mots n’ont pas été prononcés par les militants de Nuit debout sur la place de la République à Paris, mais par le nouveau président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, en février 2016. S’ils concernent d’abord le secteur bancaire américain, ils valent aussi pour les banques européennes et a fortiori françaises. Bien sûr, des réformes ont eu lieu, impulsées par les travaux du G20, les accords du comité de Bâle, les standards du Conseil de stabilité financière et divers rapports, comme le rapport Vickers au Royaume-Uni. Des lois en ont résulté, d’envergure nationale (Dodd-Franck aux États-Unis, loi de réforme bancaire au Royaume-Uni, loi de séparation et de régulation des activités bancaires en France, etc.) ou d’envergure européenne (directives CRD IV, révision de la directive sur les systèmes de garantie des dépôts, directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires, etc.).
 
Aucune n’a profondément transformé le secteur bancaire et financier. Elles exigent des banques un peu plus de fonds propres et de liquidité. Elles tentent de responsabiliser leurs créanciers obligataires et de réduire le risque systémique en confiant aux banques centrales la mission de superviser les banques d’importance. Mais est-ce assez pour remettre au service de l’économie réelle un secteur bancaire hypertrophié et dominé dans chaque pays par quelques mastodontes dont le bilan pèse pour chacun à peu près l’équivalent du PIB de leur pays, et dont 10 % seulement de l’actif contribue au financement des entreprises ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
 
Et, pourtant, en mai 2016, Jonathan Hill, le commissaire européen aux services financiers, parlait déjà de « faire le point », « vérifier si nous pourrions atteindre les mêmes objectifs de régulation d’une façon plus favorable à la croissance », en clair de faire une pause, voire mettre un terme aux réformes bancaires européennes, du moins à celles visant à renforcer la stabilité du secteur. Le temps est-il venu de refermer la parenthèse des réformes bancaires que la crise enclenchée en 2007-2008 avait (entre)ouverte ? Sont-elles la cause d’une distribution du crédit et d’un investissement atones, un frein à la reprise ? Ce chapitre propose de faire un point sur les réformes engagées, de montrer qu’elles n’ont pas toutes le caractère contraignant que les représentants des banques leur prêtent, que beaucoup d’entre elles ne sont encore que partiellement engagées et pas toujours à la hauteur de l’ambition affichée et que, à revenir en arrière sur ces petits pas, le risque est grand de fragiliser davantage l’Europe. [...]

Jézabel Couppey-Soubeyran


Après la COP21, comment climatiser la finance ?
L’accroissement des inégalités de revenu et de patrimoine occupe une place grandissante dans le débat public, dont l’intensité a redoublé avec la publication de l’ouvrage Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty [2013]. Dans un rapport de mai 2015, l’OCDE attirait aussi l’attention sur les niveaux record d’inégalités dans la plupart des pays de l’OCDE ainsi que dans les pays émergents. « Nous avons atteint un point critique. Les inégalités dans les pays de l’OCDE n’ont jamais été aussi élevées depuis que nous les mesurons », a déclaré son secrétaire général, Angel Gurria, lors du lancement du rapport.
 
De façon plus inattendue, des voix se sont élevées pour attribuer à ces inégalités croissantes une responsabilité dans le surendettement des ménages modestes et pauvres ayant conduit à la crise financière de 2007-2008. Dans son ouvrage Fault Lines [2010], Raghuram Rajan soutient ainsi que la progression des inégalités de revenu aux États-Unis a contraint les ménages à revenus faibles et moyens à accroître leur endettement afin de maintenir leurs niveaux de consommation, compensant l’impact de la baisse de leur revenu relatif sur la croissance du PIB. Till Van Treeck [2014] a présenté une somme substantielle d’arguments qui corroborent cette thèse pour les États-Unis sur la période 1980-2010.
 
Empiriquement, la causalité directe entre la montée des inégalités et celle de l’endettement susceptible de dégénérer en crises financières reste encore difficile à établir, tant chacun des deux phénomènes met en jeu un grand nombre de facteurs concurrents et entremêlés. Il est en outre tout à fait possible que l’augmentation parallèle des inégalités et de la taille de la sphère financière soit le produit d’un facteur commun, tel que la déréglementation croissante des économies depuis le début des années 1980. Il est donc nécessaire de commencer par rappeler les éléments du débat en présence, en détaillant tour à tour l’étendue et les caractéristiques, d’abord de l’expansion de la sphère financière, puis de la montée des inégalités. D’autant que les deux phénomènes ont longtemps été appréhendés sans chercher à établir de lien entre eux. Ces liens potentiels mobilisent depuis peu l’attention des économistes. [...]

Etienne Espagne


Migrations et mouvements de réfugiés : état des lieux et conséquences économiques
Les mouvements de population actuels à travers le monde et l’Europe marqueront l’histoire des migrations internationales. À l’échelle mondiale, les guerres et les persécutions n’ont jamais provoqué, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, autant de déplacements de personnes au sein des pays ou en dehors. Les conflits qui sévissent en Syrie, en Irak, en Libye, en Afghanistan, au Yémen, ou encore en Somalie et au Soudan poussent les populations au départ. La plupart se relocalisent au sein de leur pays d’origine ou dans un pays limitrophe, mais une partie de ces déplacements forcés se dirige vers l’Europe, où plus d’un million de personnes se sont réfugiées au cours de l’année 2015. Au-delà de l’ampleur du phénomène migratoire, l’histoire questionnera aussi les modalités d’action engagées par les pays européens pour y répondre. Face au défi de l’accueil des réfugiés, les pays de l’Union européenne (UE) peinent toujours à s’accorder sur une politique commune ambitieuse.
 
Le contexte migratoire actuel et les difficultés de coordination entre pays européens suscitent de nombreuses interrogations tant sur l’ampleur des migrations internationales et les choix de localisation des réfugiés, que sur les conditions d’accueil des pays de l’UE et leur politique en matière d’asile. Les questions relatives aux mouvements de réfugiés se sont aussi étendues à la sphère économique, comme l’illustre une vive et récente controverse concernant les effets de l’immigration et des réfugiés sur les conditions d’emploi dans les pays d’accueil. Avant d’y revenir plus longuement, ce chapitre décrit les mouvements de personnes et de réfugiés dans le monde, puis analyse la situation spécifique de l’UE face à l’accueil de ces derniers. [...]

Anthony Edo


La crise made in Brazil
Le Brésil, l’un des pays les plus inégalitaires au monde, a connu, pendant vingt ans de dictature militaire (1964-1985), des taux de croissance très élevés sans que les inégalités se réduisent. Ses dirigeants avaient coutume de dire qu’il fallait laisser grossir le gâteau pour mieux le partager plus tard. Mais ce « plus tard » était sans cesse repoussé. En 2002, Luiz Inácio Lula da Silva, un ancien ouvrier métallo pugnace, remporte l’élection présidentielle. Lors de sa première interview présidentielle, il déclare : « L’espoir a vaincu la peur », le peuple a voté « sans avoir peur d’être heureux ». Lula fait naître alors un immense espoir, surtout chez les plus démunis. Ses électeurs attendent de lui qu’il lutte contre la pauvreté, réduise les inégalités et que le gouvernement soit enfin intègre : en somme, que le peuple ne soit plus volé. Lorsque, au terme de son second mandat en 2010, Lula quitte le pouvoir, avec une cote de popularité qui dépasse les 85 %, il laisse un pays moins inégalitaire et moins pauvre. Selon le secrétariat des Affaires stratégiques (Secretaria de Assuntos Estratégicos), 19,3 millions de personnes sont sorties de la pauvreté entre 2004 et 2010 tandis que la classe moyenne s’est élargie à 32 millions de nouveaux venus avec un revenu mensuel supérieur à 330 euros.
 
Six ans plus tard, le pays est plongé dans une profonde récession économique qui met en péril les acquis sociaux. Dilma Rousseff, qui a succédé à Lula, est suspendue de ses fonctions présidentielles au terme d’un procès en destitution, tandis que Lula lui-même est sous la menace d’un mandat d’arrêt pour corruption. Que s’est-il passé ? D’aucuns prétendent que, lasse de devoir partager les salons d’aéroport avec la nouvelle classe moyenne, l’élite brésilienne aurait décidé de prendre les choses en main. Elle aurait orchestré un coup d’État pour revenir à l’ordre ancien, avec des politiques moins sociales et plus favorables aux entreprises. Si l’on ne saurait exclure la préférence d’une partie de l’ancienne élite pour des aéroports moins encombrés, les conflits de classes ne nous semblent pas être le principal facteur de la crise économique et politique qui secoue le pays. La récession actuelle ne tient pas non plus à l’accroissement des dépenses sociales, ni aux chocs externes (baisse du prix des matières premières, politique monétaire américaine…) qui ont également affecté d’autres pays émergents sans les plonger dans une crise aussi profonde que celle du Brésil, mais à des politiques économiques inappropriées : l’objectif de stabilité macroéconomique a été abandonné ; la priorité a été donnée à la croissance et d’importants transferts de ressources ont été effectués au profit d’une clientèle ciblée d’entrepreneurs dans le but de renforcer la compétitivité industrielle, mais au prix de distorsions profondes dans l’appareil productif. [...]

Cristina Terra

Base de données sur l’économie mondiale Alix de Saint Vaulry

Voir le rapport global avec le CEPII




B) L’injustice fiscale Ou l’abus de bien commun

Un nouvel ouvrage de Jean-Philippe DELSOL sort cette semaine en librairie, publié chez Desclée de Brouwer, sous le titre L’injustice fiscale ou l’abus de bien commun.

Dans ce livre Jean-Philippe Delsol explore les sources du droit pour comprendre les causes de l’injustice fiscale et les excès de l’Etat-providence afin de mieux les combattre. Alors qu’à l’origine le droit est un art laissé entre les mains des juristes, les prudents romains, pour déterminer ce qui doit être rendu à chacun, ce fut un progrès que l’impôt ne relève plus de la violence mais du droit. Malheureusement, le droit lui-même sera bien vite dénaturé et la fiscalité avec lui.

Ce livre passionnant mêle le droit, l’histoire, l’économie et la philosophie pour raconter comment le droit s’est abandonné à la loi, sous l’influence des nominalistes, pour perdre sa référence à la nature humaine qui lui fixait d’utiles limites. Ensuite, le Pouvoir s’est emparé de l’impôt pour étendre son pouvoir aux lieu et place de celui des citoyens. Il a voulu se substituer aux églises et à la religion pour dire et faire le bien. Là où la vieille règle d’or exigeait à juste titre qu’aucun ne fasse à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’autrui lui fasse, l’Etat a emprunté aux préceptes évangéliques pour demander à chacun de faire aux autres ce qu’il voudrait qu’on lui fasse. De négative, défensive et protectrice des droits de chacun, la loi est devenue positive et intrusive, transposant dans le domaine public ce qui ne relève que de la morale personnelle. La justice a perdu sa balance avec laquelle elle mesurait à chacun ce qui lui revenait et elle est devenue l’objet de la volonté hasardeuse du législateur.

Une démocratie populiste a fait le reste en répondant aux demandes insensées des uns et des autres pour faire croître l’Etat au détriment de citoyens infantilisés et déresponsabilisés qu’il incitait en même temps à lui demander toujours plus. Il a voulu tout entreprendre plutôt que de déléguer, régir les hommes plutôt que de leur faire confiance. L’Etat a accaparé la vie civile, sacralisé la notion de bien public. Et désormais, l’Etat omnipotent devient impotent en même temps qu’il asphyxie les citoyens d’impôts excessifs et souvent iniques.

Pour déterminer ce qui semble devoir être juste ou injuste et ce qui pourrait être une justice fiscale, il faut revenir à l’origine du droit et à son évolution. Ce long détour permet de percevoir qu’il ne peut y avoir de justice, y compris fiscale, que là où l’homme est respecté dans ce qu’il est et dans ce qu’il possède. La liberté a apporté plus au monde qu’elle ne lui a enlevé. Et la justice peut se mesurer à l’aune de la liberté réelle laissée à chacun d’atteindre ses fins, de s’accomplir en les accomplissant. Le seul rôle de la collectivité pourrait être en fin de compte de favoriser l’autonomie de chacun dans le respect de celle des autres. La justice fiscale trouverait là un critère utile et équitable de sa mesure.

C’est donc au fond un message d’espoir que nous laisse cet ouvrage de réflexion utile, voire nécessaire pour mener demain les réformes qu’exige notre pays. Car il ne suffit pas de dénoncer des faits et des situations, ni même de proposer des réformes nouvelles, comme l’IREF a vocation à le faire, si ces analyses et ces réformes ne sont pas fondées sur le roc d’une pensée rationnelle. C’est l’objectif de cet ouvrage d’y contribuer. A lire avec intérêt autant qu’avec plaisir.

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C) L'Élysée brise l'embargo de l'Insee et fait de la désinformation économique

L'Élysée a défloré avec deux jours d'avance la note trimestrielle de conjoncture de l'Insee, mettant en valeur des signes de reprise qui n'existent pas vraiment. Une façon fort critiquable d'orienter les jugements.

L'Élysée en flagrant délit de manipulation des esprits. Mercredi matin la radio Europe 1 bat le tambour et claironne que la note trimestrielle de l'Insee, attendue le lendemain jeudi à 18 heures, affiche des signes encourageants. L'information émane, nous dit-on, de la Présidence de la République qui a reçu le précieux document avec quelques jours d'avance, tout comme Bercy. C'est un scoop, bonnes gens. Le printemps est là.

Invité de la station ce même matin, et prié de confirmer, Emmanuel Macron relaie le message d'optimisme, sur le fond sinon dans la forme. Il a certes en mains la note de l'Institut national de la statistique et des études économiques, mais il se garde bien de la citer explicitement: le «wunderkind», le petit génie de Bercy ne veut pas laisser penser qu'il enfreint un embargo. Il a des principes. A l'Assemblée nationale des députés recommandent aux journalistes de regarder la note de l'Insee «qui est bonne» susurrent-ils . Même s'ils ne l'ont pas lue, ils reprennent le message de la radio périphérique. La rumeur vole comme une brise printanière. Il y a du soleil dans le ciel de mars et dans les têtes. 

Les journalistes qui assistent jeudi matin à l'Insee à la conférence de presse traditionnelle , elle aussi sous embargo, sont appâtés . Certes on préfère généralement parler des trains en retard que de ceux qui arrivent à l'heure. Mais quand les nouvelles sont dans l'ensemble toutes grises, annoncer un peu de bleu entre les nuages est gage d'originalité pour les papiers.

Hélas il faut déchanter: la note de conjoncture de l'Insee de mars 2016 reprend les mêmes chiffres que celle de décembre 2015, à savoir une croissance du PIB de 1,1% en 2015, et une prévision de 0,4% pour le premier et pour le deuxième trimestre 2016. Rien de nouveau sous le soleil.

Pas de réel changement non plus dans les commentaires de nos conjoncturistes publics. «L'économie française serait pénalisée par les conséquences des attentats fin 2015 mais reprendrait de l'élan début 2016», écrivaient-ils peu avant Noël dernier. «L'économie française accélérerait légèrement, en dépit de la conjoncture mondiale morose» disent-ils aujourd'hui, toujours avec ce conditionnel horripilant pour le commun des mortels mais dont les conjoncturistes raffolent. On est dans la nuance impalpable. «On pèse des œufs de mouche dans des balances de toile d'araignée», disait Voltaire. 

Mais le pli est pris. Sauf à apparaître comme des rabat-joie malveillants, les plumitifs en charge de la chose économique préféreront décrire le verre à moitié plein. L'Élysée a gagné son pari, le la est donné: la tonalité des commentateurs sera en majeur plutôt qu'en mineur.
Interrogés sur leur embargo qui a volé en éclat par la grâce présidentielle, les conjoncturistes de l'Insee ne peuvent que rappeler les règles déontologiques qui s'appliquent aux journalistes. Sans s'appesantir, et on les comprend: ils n'ont pas à commenter les pratiques des pouvoirs publics français, qui de gouvernement en gouvernement, ne résistent pas à la tentation d'instrumentaliser à leur convenance les informations émanant de l'Insee. 

En mai dernier, par exemple, Bercy avait brisé l'embargo sur le «bon chiffre» de croissance du PIB du premier trimestre 2015 de façon à valoriser au mieux l'information (un taux de 0,6% révisé ultérieurement à 0,7%) .

Ces méthodes, qui ne se retrouvent nulle part chez nos voisins européens, et moins encore aux États-Unis, sont d'un autre âge et peu dignes. Elles font peser un doute permanent sur l'indépendance de l'Insee, qui est pourtant garantie statutairement par les réglementations européennes: les statistiques doivent être établies et communiquées de façon irréprochable au sein de l'Union européenne. Sinon cela revient à institutionnaliser le mensonge dans le dialogue des États européens entre eux. Mais qui s'en soucie à Paris?






mars 22, 2015

Le "Libéralisme" par Daniel TOURRE

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Clare Rogers Memorial Chapel on the campus of Tulane University.

Le libéralisme, ce Français oublié


Difficile de trouver un terme dont le sens et la philosophie ont été autant déformés que celui de libéralisme

A l’heure actuelle, le mot libéralisme n’est plus guère utilisé en France que par ses détracteurs ou ses faux amis. Un citoyen, dans l’environnement actuel, a donc peu de chances de connaître le vrai libéralisme, sauf s’il s’y est intéressé activement en lisant par lui-même les ouvrages libéraux. Les idées libérales ne sont pourtant pas absentes, mais elles ne sont jamais défendues avec l’étiquette libérale. Beaucoup d’électeurs y compris de gauche exigent parfois des mesures libérales comme Monsieur Jourdain fait de la prose : sans le savoir.
Vidéo par le Collectif Antigone : http://www.collectifantigone.fr/

La Collectif Antigone regroupe des bénévoles pour défendre les idées libérales classiques.

Pour en savoir plus sur le libéralisme : http://dantou.fr/

Les BD viennent du site : http://digitalcomicmuseum.com/

La France, ce grand pays du libéralisme

Pour effrayer l’électeur, le libéralisme est souvent labellisé « anglo-saxon », qualificatif rédhibitoire dans notre douce France. Les anglo-saxons ont brûlé Jeanne d’Arc, fait des misères à Napoléon et boudent Johnny. On le voit, ils ne respectent rien, ils sont capables de tout, en particulier d’imposer insidieusement une idéologie anti-France à notre pays génétiquement étatiste.

Ce joli conte de fées pour étatistes xénophobes ne tient pas la route. Des auteurs anglo-saxons (John Locke, Thomas Paine, Edmund Burke) ont effectivement participé à la tradition libérale, mais au milieu de nombreux auteurs d’Europe continentale, en particulier français. Sans Turgot, Richard Cantillon, Sieyès, Jean-Baptiste Say, Alexis de Tocqueville, Benjamin Constant, Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari ou Raymond Aron, le libéralisme n’aurait jamais eu la forme qu’il a aujourd’hui. La France a une grande tradition libérale, reconnue partout… sauf en France.


La France a connu de longues périodes historiques où les idées libérales ont façonné le débat politique et les institutions. Mais l’histoire est écrite par les vainqueurs, et les vainqueurs depuis quelques décennies sont étatistes de droite comme de gauche.

1789, la révolution portée par des idées libérales

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Article II de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

Quel est le pays dont l’assemblée en 1789 « reconnaît et expose » une déclaration reprenant un à un tous les concepts libéraux ayant émergé au siècle des Lumières ? (Attention c’est un piège : ce pays n’est pas anglo-saxon). Eh oui, avec la Déclaration des Droits de l’homme de 1789, la France se dote d’un document fondateur… libéral (presque) pur sucre. Ce n’est pas le fruit du hasard, l’abbé Sieyès, comme les autres rédacteurs (La Fayette en particulier), a été inspiré par les idées libérales du siècle des Lumières, de Locke à Montesquieu en passant par Voltaire.

Les mesures libérales de la Révolution de 1789 pleuvent comme la pluie sur une île anglo-saxonne : abolition des corporations, rôle de l’État limité à la défense du droit à la liberté, à la sûreté et à la propriété. Longtemps cette paternité était officiellement reconnue, les communistes parlant avec mépris de cette révolution petite-bourgeoise et de ses libertés « formelles ».



Les libéraux à vapeur

« Quand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus, cela implique qu’un contribuable dépense à son profit cent sous de moins. Mais la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu’elle se fait ; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas! on l’empêche de se faire. Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche. »

Frédéric Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas
Le XIXesiècle n’est pas en reste en matière de libéralisme « french touch ». Sans doute aiguillonné par un Bonaparte autoritaire et étatiste, les mousquetaires du libéralisme français (Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville, Frédéric Bastiat) et son d’Artagnan Belge (Gustave de Molinari) écrivent parmi les plus belles pages de l’histoire du libéralisme. Ces auteurs classiques reconnus à l’étranger sont largement oubliés par la population française, aidée il est vrai par une éducation d’État toujours soucieuse d’éviter les lectures pouvant semer le doute sur l’attachement éternel des Français à leur État bouffi et centralisé.

Des milieux plus cultivés acceptent toutefois de citer Alexis de Tocqueville ou Benjamin Constant, mais en précisant immédiatement que ces derniers n’ont rien à voir avec l’affreux néolibéralisme économique contemporain. Cette position nuancée doit toutefois s’appuyer sur une absence de lecture des dits auteurs ainsi sauvés de la déchéance « économique ». En lisant leurs livres, la terrible vérité émergerait assez vite : Alexis de Tocqueville comme Benjamin Constant seraient horrifiés de la place qu’a prise l’État dans nos sociétés contemporaines, y compris dans la sphère économique, et certaines de leurs pages semblent avoir été directement dictées par les pires néolibéraux anglo-saxons des dernières années.
Benjamin Constant, libéral et amoureux

« J’ai défendu quarante ans le même principe : liberté en tout, en religion, en littérature, en philosophie, en industrie, en politique, et par liberté j’entends le triomphe de l’individualité tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. »

Benjamin Constant, Ecrits politiques

Bonaparte expulse de France Madame de Staël pour faute de goût impardonnable : pas assez d’enthousiasme napoléonien. Elle se réfugie (dans un château familial, tout de même) à Coppet en Suisse pour y ouvrir un salon intellectuel. On y croise du beau monde européen : Chateaubriand, Byron, Goethe et l’amant passionné bien qu’intermittent de l’hôtesse du lieu : Benjamin Constant (1767–1830).

Benjamin Constant, à fois philosophe et député, aura une influence considérable sur la diffusion du libéralisme en France et en Europe. Dans Principes de politique, il s’oppose d’abord à la vision de Rousseau et sa souveraineté populaire illimitée. Constant expose dans ce livre majeur une vibrante défense des droits individuels. « Au point où commence l’indépendance et l’existence individuelle, s’arrête la juridiction de cette souveraineté.» Marqué par l’épopée napoléonienne autant que par la terreur révolutionnaire, son souci est de protéger les droits individuels des tyrans comme des masses. Il attache ainsi une grande importance au respect d’une constitution politique – pas de décrets arbitraires – ainsi qu’aux procédures judiciaires – pas d’arrestations arbitraires.

Le respect des formes politiques et judiciaires, couplé à une défense de la liberté d’expression pour mettre les politiques sous la surveillance des citoyens instruits, devait permettre d’éviter de retomber dans la tyrannie. En bon libéral, Benjamin Constant n’oublie pas, bien sûr, quelques passages émouvants sur le libre-échange et l’injustice des impôts trop élevés. En France, l’influence de Benjamin Constant se fera sentir jusqu’à la IIIe république : le rédacteur de cette constitution était son éditeur. Mais hélas pour nous, Benjamin-l’optimiste s’est lourdement trompé : que cela soit la tyrannie ou la dictature révolutionnaire, le XXe siècle n’a rien retenu des leçons de la France révolutionnaire ou napoléonienne…

La science économique

La douche froide ne s’arrête pas là pour nos amis courageux. Dès le début du XVIIIème siècle, avec son Essai sur la nature du commerce en général, Richard Cantillon, un Français d’adoption originaire d'Irlande, pose les bases de la science économique libérale sans les erreurs qu’Adam Smith commettra plus tard et qui ouvriront la voie à la valeur travail de Karl Marx. Cantillon entraînera dans sa suite les physiocrates, dont Jacques Turgot, brillant savant et contrôleur général de Louis XVI.

Le XIXe siècle sera un vrai feu d’artifice de sciences économiques françaises avec Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Charles Coquelin et les auteurs du Journal des économistes, Yves Guyot…

La science économique classique portée par ces auteurs sera ensuite reprise du côté germanique avec Carl Menger puis Ludwig von Mises et Friedrich Hayek.
L’influence de l’Europe continentale, en particulier française, est donc déterminante dans l’évolution de la science économique et dans la compréhension des mécanismes d’une économie de marché.

Malgré ce cocorico libéral, pas question de substituer à la dénonciation de l'ultralibéralisme anglo-saxon celle d'un ultra interventionnisme tout autant anglo-saxon. Pourtant, le paradoxe est réel: de Marx l'exilé à Keynésien l'autochtone, les mauvaises idées économiques - que nous subissons encore aujourd'hui - viennent souvent de l'autre côté de la Manche.


La nature humaine, c’est exercer la raison et le langage et vivre en société

L’homme réduit à l’homo-economicus ? Le libéralisme développe une vision de l’individu et de la vie en société fondée sur le droit naturel

L’une des accusations souvent formulées à l’encontre du libéralisme est de réduire l’Homme à une simple machine économique calculant des profits et pertes pour maximiser son bien-être matériel : l’homo-economicus. Cette accusation est deux fois fausse.

D’abord le concept d’homo-economicus n’appartient pas particulièrement à l’école économique libérale. Au contraire, l’Ecole autrichienne, locomotive libérale en science économique, critique sévèrement ce concept utilisé abondamment par des écoles économiques interventionnistes.

Ensuite et surtout, le libéralisme est d’abord une philosophie du droit et de la politique. Son socle n’est de toute manière pas un concept venant des sciences économiques.

Dans le cadre de la philosophie du droit, le libéralisme s’appuie sur une définition de la nature humaine proche de la philosophie classique grecque : un individu doué de la raison et du langage vivant en société. C’est à partir de cette définition que le libéralisme développe sa vision de l’individu et de la vie en société, à travers la tradition du Droit naturel. Exit l’homo-economicus, place à la nature humaine

Les étages de la fusée « Droit naturel »

« Rejeter le Droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le droit est déterminé exclusivement par les législateurs et les tribunaux des différents pays. Or, il est évident et parfaitement sensé de parler de lois et de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et qui lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger du droit positif. »
Léo Strauss,Droit naturel et Histoire

Etage n° 1 : La raison. Avec la modernité au XVIIIe siècle, la raison devient le meilleur outil capable de connaître et comprendre quelque chose à la nature humaine et au monde extérieur. Cela ne veut pas dire que tout le monde, tout le temps, accède à la vérité. C’est même plutôt le contraire, la raison n’étant pas infaillible ni répartie également. Cela veut juste dire que cette tentative est possible. Cette possibilité est aujourd’hui largement contestée dans les sciences humaines postmodernes pour qui la raison n’est que le jouet passif de la classe sociale, l’histoire, la culture ou l’inconscient.
Etage n° 2 : La nature humaine. D’Aristote à John Locke, en passant par l’École de Salamanque, les penseurs cherchent donc à déterminer ce qui constitue la nature humaine. Les débats qui ont eu lieu remplissent des bibliothèques entières… et ils vont probablement encore remplir dans les prochains siècles des teraoctets de mémoire optique quantique quadridimensionnelle en silicium jupitérien.

Pour les libéraux de la tradition du Droit naturel moderne, la définition la plus concise est : « La nature humaine est d’être un individu doté de la raison, du langage et vivant en société. »
Etage n° 3 : Le Droit naturel. Il s’agit ensuite de déduire les grandes règles du droit respectant cette nature humaine. On peut décliner ces grandes règles sous forme d’interdiction « Ne pas agresser physiquement » ou sous forme de droits (« droit à la sécurité ») comme dans la déclaration des droits de l’Homme de 1 789. Ces grands principes universels guident ensuite un code de lois grâce à l’infinité de situations qui se présentent devant le juge ou le législateur. Ces codes de lois peuvent varier suivant les cultures et les époques, tout en restant dans le cercle de ces principes.

La nature

La « nature » du Droit naturel ne fait pas référence à la nature, aux petits oiseaux, au shampoing à la camomille, à la jungle ou l’herbe verte, mais à une autre définition de ce même mot.

« Nature : ensemble des caractères fondamentaux propres à un être ou à une chose », comme le dit si bien un gros livre un peu ennuyeux à lire de A à Z mais si pratique pour comprendre une langue. La nature d’un pont est par exemple d’enjamber un obstacle. La nature humaine est bien sûr beaucoup plus compliquée à définir que la nature pontaine. Beaucoup d’ailleurs affirment, soit qu’elle n’existe tout simplement pas, soit qu’elle est totalement dominée par la culture.

A contrario, pour les défenseurs du Droit naturel, la raison – même incertaine – permet d’approcher une nature humaine et un droit conforme à cette nature. Les lois particulières à chaque culture, par delà leurs différences, devant être conformes à ce Droit naturel.

L’égalité en droit

La nature humaine, c’est donc d’être un individu doté de la raison et du langage vivant en société. Quelles sont les règles — le Droit naturel — conformes à cette nature humaine ?

D’abord, par définition, tous les êtres humains partagent la même nature humaine. Il n’y a pas plusieurs types de nature humaine, donc il n’y a pas plusieurs types d’êtres humains. Il n’y a pas de sur-être humain, de sous-être humain, d’être humain du haut, d’être humain du bas. Si tous les Hommes partagent la même nature humaine, qui fonde le Droit naturel, ils sont donc égaux devant le droit.

La première règle du Droit naturel, c’est l’égalité en droit, l’égalité devant la loi. Des lois posées par les États qui distingueraient différents types d’êtres humains ne seraient pas conformes au Droit naturel. L’apartheid, les lois antisémites ou les lois de l’Ancien régime protégeant les privilèges de l’aristocratie sont des exemples flagrants d’une telle violation.
Aujourd’hui, sous l’influence du postmodernisme et de sa branche activiste, le politiquement correct, la loi devient différente selon les catégories d’êtres humains : loi sur la parité, discrimination positive, distinctions selon les revenus, les professions.

La sécurité et la propriété de soi

« Article II : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

La première des conditions pour être un individu est d’être vivant (eh oui, avec l’usage de la raison, on fait vraiment des découvertes stupéfiantes… Ça ne rigole pas chez les partisans du Droit naturel). D’une manière générale, on ne peut rien faire sans vivre. Agir et penser nécessitent d’être vivant, y compris d’ailleurs pour se suicider ou pour désirer la mort. Les individus sont les seuls « propriétaires » de leur vie. Un droit conforme à la nature humaine interdit donc l’agression physique.

Personne n’a le droit de vous tuer ou de vous blesser, même si vous êtes très pénible à supporter. Personne ne peut vous interdire de vous tuer doucement (alcool, joint, charcuterie) ou rapidement (euthanasie, scooter), même si vous êtes très sympathique. Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme est le devoir de respecter la vie et la sécurité des autres personnes.

La liberté

Vous avez donc un droit à la liberté. Il ne s’agit pas de la liberté métaphysique (liberté par rapport à Dieu, à la nature humaine ou à ses passions), ni d’un droit à la capacité, un droit d’être ou avoir ce que l’on rêve d’être ou avoir (liberté d’être beau et célèbre, liberté d’avoir des vacances à la plage, etc.). Il s’agit de la seule liberté qui puisse être garantie par une loi humaine sans nuire à la liberté des autres : la liberté d’agir ou de penser sans limite autre que la jouissance des même libertés par les autres. Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme est le devoir de respecter la liberté des autres personnes.


La propriété

Pour beaucoup de gens, la propriété est le vilain petit canard des droits naturels. Un truc un peu vulgaire et matérialiste par rapport à la liberté. Et surtout quelque chose d’acquis aux dépens des autres. En réalité, la propriété est un magnifique cygne conspué justement parce qu’il est le socle incontournable de la liberté. Dans ce monde matériel, l’usage libre de votre temps implique que vous puissiez échanger ou produire des biens matériels.

Si quelqu’un vous prend ces biens matériels sans votre consentement, cela signifie qu’il a disposé du temps que vous avez mis à les produire ou à les échanger. On ne peut pas être en sécurité, en vie, si l’on ne peut pas disposer du fruit de son travail et de ses échanges pour assurer sa survie. On ne peut pas être libre si l’on vous confisque les ressources que vous avez obtenues par votre travail ou par vos échanges. On ne peut pas être libre si l’on est obligé de quémander à l’Etat ou à ceux qui le dirigent l’usage de ses propres ressources en échange de la soumission ou de l’obéissance. On ne peut pas mener à bien ses projets si ce que l’on possède est confisqué par l’État pour que ce dernier mène à bien ses propres projets, ou plus exactement, les projets des lobbies qui le contrôlent. Le droit à la propriété est donc une conséquence du droit à la liberté et du droit à la sécurité.

Le corollaire de ce droit pour un gentilhomme (ou une gentille femme) est le devoir de respecter la propriété des autres.


Le salaire minimum, une aberration au seul profit du prestige de la classe politique

Le salaire minimum, voilà l'ennemi. Les travailleurs n’ont pas à être reconnaissants à l’État d'un salaire qu’ils ne doivent qu’à leur talent
Dans Action humaine, Ludwig von Mises écrit : 

« L’histoire est un long répertoire de prix-plafonds et de lois contre l’usure. A de nombreuses reprises, des empereurs, des rois, des dictateurs révolutionnaires ont tenté de s’immiscer dans les phénomènes de marché. Des punitions sévères ont été infligées aux réfractaires, négociants et cultivateurs. Bien des gens ont été victimes de poursuites rigoureuses qui soulevaient l’approbation enthousiaste des foules. Rien n’y fit, toutes ces entreprises ont échoué. L’explication que les écrits des juristes, des théologiens et des philosophes offraient de cette faillite s’accordait pleinement avec les opinions des dirigeants et des masses. L’homme, disaient-ils, est intrinsèquement égoïste et pécheur, et les autorités étaient malheureusement trop indulgentes en faisant appliquer la loi. Il ne fallait que davantage de fermeté et de ton péremptoire de la part des gens au pouvoir… »

Les étatistes sont formels, dans un marché libre, les salaires baissent et les loyers augmentent. Toujours.

Les travailleurs qui louent leur habitation sont-ils alors condamnés à être de plus en plus pauvres ?

Non  ! Heureusement, l’Etat nounou, héros solitaire contre tout exploiteur, tel un demi-dieu de l’économie, fixe le salaire minimum pour éviter l’exploitation, puis le loyer maximum pour éviter l’expulsion. Les électeurs rassurés peuvent voter pour leurs sauveurs, une classe politique étatiste infiniment bonne qui les aime et qui les protège. Ce mythe du salaire minimum ou du loyer maximum est l’une des plus grosses fumisteries que les étatistes ânonnent pour justifier leur existence.

La réalité est que les travailleurs ne doivent leur pouvoir d’achat qu’à eux-mêmes, à la force de leur bras et à l’intelligence qu’ils ont entre les oreilles. Ils n’ont pas à être reconnaissants à l’Etat pour un salaire qu’ils ne doivent qu’à leur talent.

Le salaire minimum comme le loyer maximum est une aberration économique au seul profit du prestige de la classe politique – ou des syndicats – et au détriment des plus pauvres.

Le prix plancher

Le prix plancher, officiellement, c’est l’Etat qui, par la seule force de sa volonté, fixe un prix minimum juste et beau à un bien ou à un service (par exemple certains prix agricoles, les prix des livres, le salaire minimum).

C’est très beau, le paranormal au service du juste et du beau. Malheureusement, depuis la pierre philosophale, nous savons tous que la création de richesses par simple contact d’une pierre magique ou d’un texte de loi, c’est rare.

L’Etat est totalement incapable de fixer un prix minimum à une catégorie d’échanges sans supprimer une partie de ces échanges. Si l’État fixe un prix minimum de 10 euros à un journal quotidien, vous n’allez pas vous mettre à acheter le journal à 10 euros, vous allez simplement renoncer à acheter ce journal pour acheter autre chose. Pour ceux qui doivent vendre des journaux, la concurrence est plus dure, les acheteurs sont plus rares. C’est 10 euros ou rien du tout. Les acheteurs peuvent donc faire les difficiles, poser leurs conditions.

Ainsi, l’État ne fixe rien. Il se contente d’interdire l’existence d’échanges de biens ou de services en dessous d’un prix donné. Cela ne signifie absolument pas qu’il a créé ex nihilo des nouveaux échanges à un autre prix pour remplacer ceux dont il a empêché l’existence.

Le salaire minimum

Parmi les nombreux totems de la religion de l’Etat-Dieu, il en est un devant lequel la classe politique fait consciencieusement sa génuflexion bien dans l’axe de la caméra : le salaire minimum. Elle n’a pas beaucoup de mérite à se prosterner avec emphase, ce totem est d’abord à sa gloire et au détriment des travailleurs les plus modestes. En premier lieu, le salaire minimum est immoral : il empêche des échanges souhaités par les deux parties. Si l’échange n’était pas souhaité par l’une ou par les deux parties, il ne serait pas nécessaire de l’interdire, il n’aurait pas lieu de toute manière. Car si le salaire minimum ne force que très marginalement les salaires vers le haut, il empêche d’exister les emplois avec des salaires en dessous du Smic.

Les travailleurs modestes font donc face à un chômage important qui les met dans une concurrence aggravée face aux employeurs. Les étatistes ont tellement conscience de ce phénomène qu’ils se gardent bien de multiplier par deux ou par trois le Smic : cela créerait immédiatement un chômage de masse. Dans le même temps, les étatistes multiplient les emplois payés en dessous du Smic – emplois aidés, stages, suppression des cotisations fiscales, etc – dont ils s’attribuent encore le mérite. Qu’il existe des employeurs cupides, c’est une réalité, mais la meilleure méthode pour limiter leur nuisance, c’est de favoriser la concurrence entre employeurs, y compris pour les bas salaires. Le Smic ne sert ni les travailleurs, ni les patrons. Il ne sert que les étatistes.

Le salaire minimum contre les travailleurs

La propagande sur le salaire minimum est donc parfaitement mensongère : les travailleurs ne doivent rien aux étatistes ni aux syndicats. Si les patrons les payent un certain salaire, c’est parce que leur travail vaut ce salaire, pas parce que l’Etat fixe un salaire minimum.

L’Etat nounou s’attribue ainsi le mérite d’une rémunération qui ne lui doit rien. Beaucoup de salariés sont embauchés au-dessus du Smic, alors que le patron aurait sans doute voulu les payer moins. Le patron n’avait pas le choix : il était en concurrence avec d’autres patrons et ce travail valait ce salaire. Il en est de même avec de nombreux salariés au Smic : leur salaire vaut de toute manière le Smic ou plus, et s’ils sont payés ainsi ce n’est pas par charité, ni par obligation, mais parce que de fait, leur travail a de la valeur.

Ainsi, les étatistes n’hésitent pas à rabaisser les travailleurs en leur faisant croire qu’ils doivent leur pouvoir d’achat à l’Etat nounou. C’est faux, d’autant que dans le même temps les étatistes multiplient les prélèvements : cotisations pour les caisses maladie et de retraite mal gérées et imposées en monopole, pour les organismes de formations inutiles, par l’inflation monétaire.

Le prix plafond

Avec le prix plancher (le salaire minimum), l’autre grande habitude des étatistes est de fixer un prix plafond à certains biens (parfois un loyer). Comme le prix plancher, le prix plafond est injuste et inefficace. Le seul moyen de faire diminuer le prix d’un bien est d’augmenter sa profusion. Fixer un prix plafond (sur le logement par exemple) sur une ressource rare n’abolit pas la rareté de la ressource. Quoi qu’en disent les hommes politiques, ils n’ont pas un chapeau magique d’où sortent des lapins à volonté, permettant de faire baisser le prix de ces derniers.

Pour faire baisser le prix des lapins fixé entre personnes libres, il ne suffit pas de déclamer une formule magique : « Lapin, sois moins rare ! » même avec le vocabulaire ronflant, technique et incompréhensible d’une mesure administrative.

Lorsqu’un bien ou un service est rare, il y a trois manières de le partager :

– La violence : le plus gros tape sur le plus petit et prend le bien rare. Méthode longtemps utilisée alors même qu’elle fait très mal (mais c’était avant le libéralisme et la reconnaissance du Droit à la propriété.)

– La queue : spécialité soviétique ou des HLM, le premier arrivé est le premier servi. J’y suis, j’y reste. Enfin « premier arrivé, premier servi », c’est seulement pour les plus faibles ou les plus honnêtes. Les passe-droits, les petites enveloppes ou les coups médiatiques permettent aux plus forts ou aux plus grandes gueules de s’épargner ce genre de désagréments.

– Les prix : chacun en fonction de son envie subjective, de ses moyens, de ce qu’il est prêt à échanger et des envies subjectives des autres, accepte ou non de faire la transaction. Lorsque beaucoup de personnes veulent des lapins ou des logements, d’autres personnes libres changent d’activité pour leur fournir davantage de lapins ou de logements.

Dans une organisation humaine, il n’existe pas de quatrième méthode magique, juste, omnisciente et bonne permettant d’affecter des biens rares. En fixant un prix plafond, l’Etat n’abolit en aucune façon la rareté du bien visé. Il ne répartit pas non plus les biens selon une quatrième méthode. Il se contente de privilégier une méthode d’attribution en tous points inférieure à celle des prix : la queue et ses passe-droits.

Et il empêche le seul processus capable de faire réellement diminuer la rareté de ce bien : faire en sorte que davantage de personnes libres, attirées par l’augmentation du prix, consacrent leur travail, leur intelligence et leur imagination à la production de davantage de lapins, euh… de biens


Le protectionnisme ne fait que traiter 
un symptôme en aggravant la maladie

Ce fléau nommé mondialisation. Difficile d’interdire les échanges avec l'extérieur, dans l’intérêt économique de tous

Dans Action humaine, Ludwig von Mises (1881-1973) écrit : 

 « La philosophie protectionniste est une philosophie de guerre […]. La Société des Nations a fait faillite parce qu’il lui manquait l’esprit du libéralisme authentique. C’était une entente entre des gouvernements animés par l’esprit du nationalisme économique et entièrement voués aux principes de la guerre économique. Pendant que les délégués se complaisaient à tenir des discours sur la bonne volonté entre peuples, les gouvernements qu’ils représentaient infligeaient des dommages abondants à toutes les autres nations… »

Le libéralisme n’avait déjà pas très bonne réputation chez certains bien pensants, et ce « bad boy » n’a rien trouvé de mieux que d’aller traîner avec le nouveau caïd de la planète : la mondialisation. Il y en a qui cherchent vraiment les ennuis !

Car les méfaits de la mondialisation seraient innombrables : elle délocalise le travail des employés nationaux, elle tire les salaires vers le bas, elle augmente le déficit de la balance commerciale, elle désindustrialise notre pays, elle appauvrit les pays pauvres, etc.

Heureusement, des super-héros souverainistes ou socialistes veulent nous interdire d’échanger dans notre intérêt, tout en augmentant leur pouvoir sur nos vies. Pour les libéraux, la mondialisation n’est pas parfaite sur de nombreux plans, mais d’abord, elle est optionnelle. Personne n’est obligé d’acheter des produits étrangers, de travailler pour ou avec des étrangers. Les souverainistes ne veulent pas résister à la mondialisation – ils peuvent déjà le faire –, ils veulent commander aux autres.

Ensuite, une grande partie des méfaits qu’on reproche à la mondialisation sont inexacts ou viennent d’exactions des États eux-mêmes. Revue de détail.

Le déficit commercial

A la messe du journal de 20 h 00, le grand prêtre a un regard soucieux lorsqu’il annonce la terrible nouvelle : « Notre pays a un déficit commercial de (beaucoup) de millions, c’est très très grave et même un peu inquiétant ». Puis il passe la parole à un souverainiste, au regard lui aussi soucieux, mais avec cette pointe de détermination farouche, caractéristique de l’étatiste qui sait ce qu’une politique volontaire peut apporter à l’économie. Le constat est froidement évoqué par cet homme lucide, et la solution d’une logique imparable est chaudement recommandée par cet homme d’action : « Si nous avons un déficit, c’est parce que nous importons trop et que nous n’exportons pas assez, donc il faut limiter les importations avec le protectionnisme et augmenter les exportations grâce à la dévaluation de la monnaie. » La lumière apparaît au bout du tunnel. Non ! Le déficit commercial n’est pas une fatalité et les souverainistes lucides vont nous protéger contre l’ultralibéralisme.

Oui, sauf que le déficit commercial n’est pas en soi un problème, tandis que le protectionnisme comme la dévaluation de la monnaie sont des problèmes. Le souverainiste est finalement surtout très lucide pour augmenter le pouvoir de l’Etat (et le sien) au détriment du peuple au nom de faux problèmes.

La balance commerciale

Une première observation : la balance commerciale comme le déficit commercial sont des créations comptables artificielles dues à l’existence d’une frontière. On pourrait tout aussi facilement calculer la balance commerciale d’une région vis-à-vis des autres ou d’un quartier vis-à-vis du reste de la ville, etc. On peut couper le pays en 2, 3 ou 3 419 morceaux, puis calculer entre ces morceaux des déficits commerciaux, qu’il faudrait corriger en donnant plus de pouvoir aux élus locaux.

Une deuxième observation : un déficit commercial n’est pas forcément une mauvaise chose. L’argent utilisé pour acheter les marchandises à l’étranger peut revenir sous forme d’investissements dans le pays importateur ou de versements de dividendes ou de salaires effectués par des Français à l’étranger. Si votre maison était un pays, elle serait en lourd déficit commercial. Vous passeriez votre temps à importer des biens de consommation mais cela n’aurait pas d’importance : votre travail, votre épargne effectués en dehors de votre appartement vous rapporteraient des devises. La balance commerciale seule n’est pas un signe de bonne ou de mauvaise santé économique.

Ce qui peut poser problème à long terme, c’est lorsque le pays, le quartier ou l’individu s’endettent pour consommer. C’est-à-dire qu’ils échangent un bien ou un service aujourd’hui contre un paiement demain parce qu’ils ne produisent pas assez aujourd’hui pour payer leur consommation. Le déficit commercial n’est pas forcément un problème. C’est un symptôme qui, lorsqu’il est accompagné d’un autre symptôme, la dette pour consommer, est le signe d’une maladie : production trop faible par rapport à la consommation.

Les solutions protectionnistes des souverainistes ne font que traiter un symptôme – le déficit commercial – en aggravant la maladie.

La désindustrialisation

Pour justifier l’interdiction d’échanger entre deux personnes qui ne leur ont rien demandé et qui ne leur font pas de mal, les étatistes s’appuient sur des macro-statistiques, vraies ou fausses, qui s’éloigneraient d’une valeur idéale – connue d’eux seuls – et qu’ils auraient la lourde charge de corriger.

La désindustrialisation est devenue le grand drame national des souverainistes comme des socialistes, qu’ils se proposent de résoudre en taxant les produits étrangers. Le remède est suspect, d’autant que la maladie est incertaine. La « désindustrialisation » est un phénomène mondial. Partout dans le monde la part de l’industrie dans les économies diminue au détriment des services. D’abord grâce à des technologies de plus en plus performantes qui diminuent les besoins de main-d’œuvre dans l’industrie, ensuite parce que de nombreuses industries ont externalisé tout ce qui n’était pas dans leur cœur de métier. Là où hier, un constructeur automobile avait des employés pour faire le ménage et la communication, il aurait plutôt tendance aujourd’hui à faire appel à une société de ménage ou de communication externe. Le même employé faisant le même travail dans la même usine fait aujourd’hui partie du secteur des services.

La « désindustrialisation » ne se traduit donc même pas par une baisse de la production industrielle, nos industries produisent plus aujourd’hui, mais avec moins de monde.

La baisse des salaires

Quoi de plus beau qu’un souverainiste, dans le soleil levant, prenant la tête d’une croisade pour protéger les bas salaires de l’affreuse mondialisation libérale, un subtil mélange de Jean Valjean, d’Ivanhoé et de l’abbé Pierre au service des ouvriers ? Cette image héroïque se base d’abord sur un gros, gros, gros malentendu.

Le salaire nominal, ce n’est pas le pouvoir d’achat. Un ouvrier qui gagne 100 euros par jour avec un chariot de course moyen à 80 euros par jour est plus prospère qu’un ouvrier qui gagne 200 euros par jour avec le même chariot moyen qui coûte 250. Le salaire nominal peut parfois effectivement baisser avec le libre-échange, mais cela se traduit dans le même temps par une baisse encore plus importante du prix des biens et des services. Sans la mondialisation, les prix des biens exploseraient, des téléphones portables jusqu’aux voitures en passant par le matériel médical. Les Ivanhoé du protectionnisme devraient bien expliquer cela à leurs protégés : 

« Vous allez gagner plus, mais vous pourrez acheter beaucoup moins. »

D’autant que le protectionnisme s’appuie sur une méthode simple : taxer les produits étrangers. Sauf que là aussi l’expression est trompeuse. Ce ne sont pas les produits étrangers qui sont taxés, ce sont ceux qui les achètent. On n’a jamais vu un paquet de T-shirts chinois sortir 300 euros pour les donner à la douane française. Ceux qui payent la taxe sont ceux qui achètent les T-shirts : les Français, souvent d’ailleurs les plus modestes.

 L’altermondialisme

Certains messages de l’altermondialisme sont des petites lumières sympathiques : la réduction de la pauvreté, l’importance des choix des personnes même lorsqu’ils ne sont pas conformes aux goûts de la majorité, certaines critiques pertinentes sur le rôle et les actions des institutions internationales. Le problème est que dès que l’on va au-delà de cette jolie petite lumière, on découvre rapidement les vieilles dents décrépites du marxisme, la lutte des classes, un constructivisme mondial via des taxes ou des interdits, un étatisme omniprésent, le mépris des droits fondamentaux au profit d’une liste de droits créances approximative et changeante. Ces vieilles dents ont déjà fait des méchantes morsures à l’humanité, en la maintenant dans la misère ou en asservissant des personnes libres.

Cela étant, si les libéraux refusent l’alter-monde néo-marxiste, cela ne signifie pas qu’ils trouvent la mondialisation satisfaisante. Au contraire, pour les libéraux, les progrès à accomplir à l’échelle mondiale sont immenses en ce qui concerne le respect des droits naturels – sûreté, liberté, propriété –, la démocratie, le droit, les distorsions dues à la monnaie, la lutte contre la corruption, l’éducation… Raison de plus pour ne pas appliquer à l’échelle mondiale ce qui n’a jamais marché à l’échelle nationale, régionale, continentale…

Par Daniel Tourre
Source L'Opinion


Daniel Tourre

De Wikiberal
Daniel Tourre, né en 1971 à Paris, est un auteur libéral français. Il fait partie des 100 auteurs du livre Libres ! 100 idées, 100 auteurs.  
l passe une partie de son enfance en Île-de-France et, suivant les déplacements de ses parents, à Madagascar et au Portugal.
Militant dans le milieu libéral au lycée et à l’université, il étudie la physique théorique à Strasbourg puis à Groningen (Pays-Bas) et St Andrews (Écosse).
Il débute ensuite une carrière en indépendant sur l’informatique bancaire où il se forme sur l’économie, la gestion des risques bancaires et les problèmes monétaires.
En 2007, considérant que le libéralisme n’est ni de droite, ni de gauche, il adhère le même jour au PS et à l’UMP afin de défendre cette doctrine en interne dans les deux grands partis de gouvernement. Il s’investit aussi dans un nouveau parti libéral, Alternative Libérale, dont il est le candidat pour les législatives dans le Ve arrondissement de Paris en 2007.
Il accompagne la création du Parti Libéral Démocrate qu’il quitte début 2012 pour animer la campagne présidentielle fictive de Frédéric Bastiat (www.bastiat2012.fr).
Il vit aujourd’hui avec sa femme à Nancy tout en travaillant à Paris et au Luxembourg. 


Pulp Libéralisme

En 2012, Daniel Tourre publie Pulp Libéralisme, La tradition libérale pour les débutants, aux éditions Tulys.
Ce livre présente de manière humoristique les bases philosophiques du libéralisme classique ainsi que des notions de sciences économiques. Il est divisé en 36 courts chapitres répondant à des clichés communs sur le libéralisme.
Distrayant, il est illustré par près de 230 vignettes kitsch de bandes dessinées américaines des années 1950 (super-héros, robots, monstres improbables, demoiselles en détresse...) dont le contenu des bulles a été modifié.
Il s’appuie aussi sur plusieurs centaines de citations courtes d’auteurs majeurs du libéralisme, permettant d’identifier les ouvrages permettant d’aller plus loin à ceux qui le souhaitent. 


Citations

  • « Une pièce d’or, trouvée au fond de l’eau dans un galion naufragé, a conservé sa valeur pendant 400 ans, sans banque centrale, sans experts et sans ministres de l’Economie. Les crustacés sont manifestement plus compétents pour garder une monnaie saine, moins arrogants et moins coûteux qu’une banque centrale ».
  • « En France, il n'y a pas de problèmes économiques, il y a juste des taxes qui n'ont pas encore été trouvées. »
  • « L'État mammouth veut votre bien. Le maximum de votre bien. »

Liens externes

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